Vous vous rappelez peut être qu’en 2015, un site américain de rencontres en lignes a publié des articles et collé des affiches sur les autobus, à Paris et en Ile-de-France, où était dessinée une pomme croquée accompagnée du slogan : « Le premier site de rencontres extra-conjugales » et vantant « l’amanturière », « la femme mariée s’accordant le droit de vivre sa vie avec passion ».
La Confédération nationale des associations familiales catholiques a saisi la justice pour faire interdire les publicités de ce site faisant la promotion de l’infidélité et des relations extra conjugales. La CNAFC estime que le devoir de fidélité comporte une dimension sociale relevant de l’ordre public de protection et que la publicité ne doit pas cautionner des comportements illicites ou antisociaux.
Aux termes de la loi (article 212 du code civil), l’obligation de fidélité est l’une des obligations du mariage. Elle n’est imposée qu’aux époux mais pas aux concubins ni aux partenaires d’un pacte civil de solidarité. L’adultère constitue une faute civile qui peut conduire au prononcé du divorce pour faute. Les juges apprécient strictement voire sévèrement le devoir de fidélité allant jusqu’à juger que l’adultère, même postérieur à la séparation, même postérieur à l’ordonnance de non conciliation qui autorise les époux à vivre séparément, constitue une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage justifiant un divorce pour faute. (Cass. 2ième Civ. 4 juin 1997 n°95-19401; 1ière Civ. 9 juillet 2008 n°07-19714 ; 1ière Civ. 4 mai 2011 n°10-17019 ;Cass. 1ière Civ. 9 nov. 2016 n°15-27968).
Dans l’affaire du site de rencontres, la Cour de Cassation retient que l’adultère ne peut être invoqué que par un époux contre l’autre et non par un tiers. Les associations familiales catholiques ne sont donc pas recevables à invoquer le devoir de fidélité pour demander une interdiction légale de la publicité pour des rencontres extra-conjugales à des fins commerciales. La Cour de cassation retient en conséquence que les publicités litigieuses ne peuvent pas être légalement interdites sur le fondement de l’obligation de fidélité entre époux.
La Cour de cassation constate qu’en toute hypothèse les publicités litigieuses ne contiennent aucune photo qui pourrait être considérée comme indécente et n’utilisent pas de vocabulaire susceptible de choquer les enfants. Elle estime que, même si les publicités télévisuelles en cause peuvent heurter les convictions religieuses de certains spectateurs, en faisant la promotion de l’adultère au sein de couples mariés, les interdire porterait une atteinte disproportionnée au droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ainsi, dans le même temps, le juge nous dit que la liberté d’expression permet la promotion de l’adultère mais que l’adultère est une faute civile légitimant un divorce pour faute et une condamnation à des dommages intérêts.
L’adultère est sanctionné mais promouvoir l’infidélité n’est pas interdit ! N’y-a-t-il pas un paradoxe ???
Cour de Cass. 1 Civ. 16 décembre 2020 n°19-19387