En pleine période de crise COVID 19, la décision de la CEDH, Cour Européenne des Droits de l’Homme, était très attendue sur la question de la vaccination obligatoire.
Les faits se déroulent en République Tchèque où la loi prévoit une obligation de vacciner les enfants contre neuf maladies infantiles : la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, les infections à Haemophilus influenzae de type b, la poliomyélite, l’hépatite B, la rougeole, les oreillons et la rubéole et – pour les enfants présentant des indications spécifiques – les infections à pneumocoque. Il convient de préciser que la loi n’impose pas physiquement la vaccination. Les parents qui refusent de vacciner leurs enfants sans raison valable peuvent être condamnés à une amende et les enfants ne sont pas acceptés dans les écoles maternelles. Plusieurs parents qui se sont vus infliger une amende ou dont les enfants n’ont pas pu être scolarisés ont saisi la CEDH entre 2013 et 2015 aux motifs que l’obligation vaccinale est une atteinte à leur doit au respect de la vie privée prévu à l’article 8 de la CEDH.
L’arrêt du 8 avril 2021: la CEDH commence par rappeler que la vaccination obligatoire, en tant qu’intervention médicale non volontaire, constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée.
Le principe rappelé, la CEDH estime cependant que dans ces dossiers les mesures prises se situent dans un rapport de proportionnalité raisonnable avec les buts légitimes poursuivis par l’État tchèque à savoir la protection contre des maladies susceptibles de faire peser un risque grave sur la santé; protection aussi bien de ceux qui sont vaccinés que de ceux qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons médicales et qui dépendent donc de l’immunité collective. Ces objectifs de protéger toute le population correspond aux buts que sont la protection de la santé et la protection des droits d’autrui. L’arrêt rappelle ainsi l’obligation pour les Etats de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie et de la santé des personnes relevant de leur juridiction (article 2 CEDH : droit de toute personne à la vie ; article 8 CEDH : droit à la protection de la santé et protection des droits d’autrui).
La CEDH se fonde également sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer dans toutes les décisions le concernant. S’agissant de la vaccination, l’objectif est que tout enfant soit protégé contre les maladies graves ; sa protection réside aussi dans l’immunité du groupe.
La Cour conclut que les mesures prises par l’Etat tchèque étaient « nécessaires dans une société démocratique » et qu’il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la CEDH.
Analyse: dans ces affaires, la vaccination concerne des maladies infantiles bien connues de la médecine et le débat ne s’est donc pas situé sur l’éventuelle dangerosité de ces vaccins. Là n’était pas la question. La Cour a relevé concernant ces vaccinations spécifiques « le constat d’un consensus général sur les effets bénéfiques de la vaccination qui ne sont pas remis en cause par les effets secondaires inévitables, dès lors qu’il y a un contrôle scientifique strict».
La Cour a mis en balance les principes du respect au droit à la vie privée et du droit à la vie et la protection de la santé d’autrui, pour conclure que les mesures prises par l’Etat tchèque sont proportionnées au but poursuivi : la protection de toute la population et des plus fragiles, dont les enfants, grâce à l’immunité collective. La CEDH précise cependant que les questions de santé publique dont la politique de vaccination relèvent de la marge d’appréciation de chaque Etat.
La vaccination en France: depuis 2018, la loi prévoit 11 vaccins obligatoires pour les enfants âgés de 1 mois et 2 ans. Si la vaccination est obligatoire, la loi n’impose pas physiquement la vaccination. Ces vaccinations obligatoires conditionnent l’entrée ou le maintien dans toute école, garderie, colonie de vacances ou autre collectivité d’enfants. Si la vaccination a pour but de protéger la personne vaccinée, elle a également pour but la protection de la santé de toute la collectivité et notamment des personnes les plus fragiles qui nous entourent comme les très jeunes nourrissons, trop jeunes pour être vaccinés, les femmes enceintes, les personnes âgées ou les personnes ayant une mauvaise santé qui ne leur permet pas d’être vaccinées. La vaccination est donc présentée comme acte de solidarité collective.
A ce jour 19 avril 2021, la vaccination contre la COVID 19 n’est pas obligatoire. Se pose cependant la question du passeport vaccinal qui serait un moyen détourné de rendre obligatoire cette vaccination et qui serait une atteinte à nos libertés publiques, individuelles et collectives, garanties par notre Constitution et par la Convention Européenne des Droits de l’Homme sauf à considérer que tous les vaccins sont sûrs et validés par le corps médical et que les mesures sont bien proportionnelles au but recherché de protéger la santé de tous.
arrêt CEDH Grande Chambre 8 avril 2021 Vavrickaet et autres c/ République Tchèque n°47621/3; n°3867/14; n°73094/14; n°19306/15; n°19298/15; n°43883/15